05 août 2025

3.7 - Peter & Gordon

Peter & Gordon, un sacré coup de Paul

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⏯ Comme ses compatriotes Chad & Jeremy, avec qui on le confond parfois, ce duo a profité de la British Invasion pour se faire une place dans les charts américains, de 1964 à 1967. Pour qui prend la peine de les explorer, leurs innombrables albums, constitués essentiellement de reprises venues de genres hétéroclites - folk, country, pop, music-hall, bandes originales,... - cachent de petits trésors éparpillés, sertis de jolis arrangement vocaux et orchestraux. Leurs premiers singles ont une saveur toute particulière, et pour cause : quatre d'entre eux sont des originaux signés McCartney. Pourquoi ce privilège ? Tout simplement parce que Peter Asher n'était autre que le frère de Jane, petite amie de Paul... Passé ce formidable coup de pouce, les deux compères ont eu le mérite de mener leur barque jusqu'en 1968, date à laquelle ils mirent fin à leur aventure, conscients que leur moment était passé.

  1- Woman (first version) (1966) : Un des sommets du duo, signé Bernard Webb, pseudonyme d'un Macca désireux de voir si ses compositions pouvaient réussir dans l'anonymat. Une charmante mélodie, proposée ici dans son arrangement originel, plus délicat que ceux du single officiellement publié.
⏭ Même si cette information n'est pas confirmée partout, il semblerait bien que la batterie et la troisième voix soit assurés par le Fab Paul himself !
  2- Start Trying Someone Else (1967) : Au milieu d'un énième album rempli de reprises inoffensives surnage cette belle composition mélodramatique, preuve du talent hélas trop timide de Gordon Waller. 
  3- London at Night (1967) : Quand ils ne revisitent pas les classiques de la variété américaine, Peter & Gordon n'hésitent pas à jouer à fond de leur anglicité pour séduire le public d'outre-Atlantique, comme en témoigne cet jolie carte postale, composition inédite d'un Cat Stevens encore débutant.
⏭ Dans cette même veine, et dans la catégorie "chansons à thé", on trouve aussi ceci.
  4- Never Ever (1967) : Après 1966, les albums du groupe ne sortent même plus au Royaume-Uni, mais ses singles trouvent encore quelques oreilles attentives en Amérique du Nord. Celui-ci, particulièrement réussi, aurait mérité bien mieux qu'une 77eme place dans le top canadien (sa meilleure performance internationale).
  5- Uncle Hartington (1968) : Pour leur ultime album, les deux compères jouent leur va-tout. Des compositions originales, plus aventureuses, et serties d'arrangements barocco-psychédéliques. Opportuniste ? Peut-être, mais plutôt efficace.
 
BONUS- I Go To Pieces (1964) : Retour sur l'un de leurs premiers succès, avec une recette imparable, à savoir l'adaptation d'une composition de qualité (signée Del Shannon), des orchestrations surannées et de douces harmonies. Pur sucre !
 

Indice Baroque = ★★★★

Compléments :
Top Baroque Albums : La discographie est certes touffue mais manque singulièrement de consistance. Pour commencer, on conseillera ainsi, parmi une multitude de compilations, The Ultimate Peter & Gordon (2001), qui reprend tous les tubes, négligeant donc logiquement le dernier opus, Hot Cold & Custard (1968), qui sans être un chef d'œuvre, témoigne des efforts méritoires du duo pour moderniser son répertoire.
 













 

19 avril 2024

5.7 - The Spencer Davis Group

The Spencer Davis Group, sur la corde raide

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⏯ Fer de lance de la scène rythm'n blues anglaise, encensé par les Stones et les Beatles, le Spencer Davis Group connaît des débuts tonitruants, avec quatre titres dans le top 10 anglais, dont deux numéros 1, Keep On Running (1965) et Somebody Help Me (1966). Leur principal atout : le très jeune prodige Steve Winwood, incroyable chanteur soul, et talentueux poly-instrumentiste. Autant dire que lorsque ce dernier, avide de nouveaux horizons, quitte la formation en avril 1967 en emportant son frère Muff, on ne donne pas cher de Davis et de son compère York... Jouant aux équilibristes un tantinet schizophrènes, ceux-ci vont tout faire pour ne pas s'aliéner leurs fidèles, tout en ouvrant leur musique au psychédélisme ambiant...
 
  1- Time Seller (1967) : Premier single post-Windwood, paru à l'été 1967. Le groupe se démarque de son style habituel pour prendre le train du Summer of Love, avec moultes cordes. Une demie-réussite, puisque le titre atteint la trentième place des charts.
⏭ Au chant, la nouvelle recrue Phil Sawyer, qui quittera le groupe quelques mois plus tard. Sur la version album de la chanson, sa voix sera remplacée par celle de deux autres recrues, Hardin et Fenwick.
  2- With His New Face On (1968) : Titre en forme de manifeste, annonçant le nouveau son du groupe, hélas déjà daté, à un moment (juin 68) où fleurs et frous-frous commencent à disparaître... Mais l'amateur d'arrangements orchestraux n'a que faire de ces considérations. Il regrettera juste une prise de son plutôt brouillonne.
⏭ La version proposée ici est un remix récent qui met un peu plus en avant les différentes parties instrumentales.
  3- Sanity Inspector (1969) : Charmante comptine psychédélique, qui n'aurait dépareillé sur un album des Nirvana et autres Idle Race. On comprend que les fans de la première heure aient été déroutés !
  4- I'm Lost (1968) : Inédite, une belle complainte aux accents soul, probablement tirée des sessions de With Their New Face On
  5- The Girl's Song (1968) : Preuve que Spencer et ses acolytes ne savent plus trop où ils en sont, il s'attaquent au répertoire des Fifth Dimension, avec une version allemande (!!!) de leur Aquarius, et ce Girl's Song signé Jimmy Webb, initialement prévu comme single mais resté inédit jusqu'en 2016. 
  BONUS - Virginal Dreams (1968) : Encore plus inattendu, ce titre entièrement orchestral, tiré de la bande son du film Here We Go Round The Mulberry Bush, que le groupe partage avec... Steve Winwood et sa nouvelle formation, Traffic. Sans rancune.

Indice Baroque = ★★

Compléments :
Top Baroque Album : Autant le dire tout de suite. A part les 6 titres suscités, pas grand chose d'autre à se mettre sous la dent en termes de pop baroque. La première face de l'album With Their New Face On (1968) est ouvertement psyché-pop, mais il faut bien admettre que le groupe avait déjà ses plus belles années derrière lui... Trois albums paraîtront encore, dans un style blues-country-rock qui ne les sortira pas de l'anonymat.
   
 

 

22 mars 2024

5.6 - Elton John

Elton John, conquête de l'Amérique

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⏯ Il était une fois un petit Anglais timide et mal fagoté, amateur de musique classique, prodige précoce du piano, et brillant étudiant à la prestigieuse Royal Academy of Music. Tout semblait tracé d'avance... Sauf que... Sauf que l'Amérique et ses armes de séduction massive - jazz, blues, gospel et rock'n roll - allaient chambouler l'ADN musical du dénommé Reginald Kenneth Dwight pour faire de lui une des plus grandes star de l'histoire de la pop. Mais avant de trouver sa voie et d'atteindre les sommets, le futur Elton John devait faire ses classes : pianiste de pub, puis au sein d'un groupe de blues, chanteur de reprises pour disques de supermarchés, musicien de sessions et compositeur pour d'autres artistes. Lorsqu'on lui donne enfin sa chance en tant qu'interprète, le jeune homme, accompagné de son inséparable parolier Bernie Taupin, prend comme première boussole le son de son époque, mettant en partie de côté ses penchants soul au profit d'une pop psychédélique fortement inspirée des Beatles, Moody Blues et autres Procol Harum.
 
  1- When I Was Tealby Abbey (1968) : Il aura fallu attendre 2021 pour entendre Regimental Sgt. Zippo, premier album refusé par la maison de disques, qui pense - probablement à juste titre - qu'il manque cruellement de personnalité. Sur le morceau d'ouverture, John semble ainsi piocher directement dans le répertoire des Bee Gees. Ne boudons pas pour autant notre plaisir devant cette ritournelle sucrée aux jolis arrangements (signés Zack Laurence).
  2- Tartan Coloured Lady (1968) : Loin du charisme excentrique dont il fera preuve quelques années plus tard, le chanteur semble ici en retrait, laissant clavecin, cordes et flûtes mener cette petite perle, véritable manifeste pop baroque.
⏭ Dans le même esprit "ballade sur lit de cordes pincées", ne manquez pas I Need You To Turn To, paru deux ans plus tard.
  3- Skyline Pigeon (1969) : Premier véritable album, Empty Skies navigue encore entre deux eaux, lorgnant souvent vers un rock progressif peu convaincant. Mais lorsque John va, comme ici, à l'essentiel, son talent de mélodiste et d'interprète brille déjà, annonçant les chefs d’œuvre à venir.
⏭ Il existe une autre version de cette chanson, plus orchestrée, enregistrée en 1973. Régulièrement interprétée en concert, elle tient manifestement une place particulière dans le cœur du chanteur.
  4- From Denver To L.A. (1969/1970) : Attention, rareté ! Composé par Francis Lai et Hal Shaper pour la bande son du film The Games, ce titre aux arrangements épiques a vu sa sortie en single rapidement annulée, car étant en contradiction avec l'image de singer/songwriter que l'artiste et sa compagnie de disques cherchaient à promouvoir. Impersonnel ("Got to take my guitar" !), mais objectivement pas mal pour un boulot alimentaire...
  5- Sixty Years On (1970) : Propulsé par l'immortelle Your Song, l'album Elton John ouvre enfin les portes du succès au chanteur, qui s'adjoint les services du producteur Gus Dudgeon. Plus maîtrisées et personnelles, ses compositions bénéficient de l'arrivée de l'arrangeur Paul Buckmaster dont les amples orchestrations sont intelligemment mises au service de la voix.
  BONUS - Seasons (1971) : Fidèle compagnon d'Elton John pour les chefs d’œuvre et les décennies à venir, ledit Buckmaster est ici au premier plan, pour cette composition quasi-instrumentale, tirée de la bande originale du film Friends.

Indice Baroque = ★★★

Compléments :
Top Baroque Albums : A partir de 1970, le chanteur, désormais maître de son destin, va assumer sa sensibilité soul et s'éloigner des rivages pop baroque, malgré des orchestrations toujours bien présentes. Les puristes se contenteront donc des imparfaits Regimental Sgt. Zippo (1968/2021) et Empty Sky (1969) et du chef d’œuvre Elton John (1970). Les autres seront bien inspirés d'écouter les albums enregistrés pendant les années 70, d'autant que ceux-ci cachent, ici et là, des trésors orchestraux.

⏭ Radio replay : Les amours classiques d'Elton John - MAXXI Classique (France Musique)

⏭ Article Paul Buckmaster: In His Own Words - eltonjohn.com
   

 

16 février 2024

4.7 - The Buckinghams

The Buckinghams, durs à cuivres

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⏯ Voilà un groupe manifestement sous-estimé chez lui, méconnu partout ailleurs et injustement oublié aujourd'hui. Mais en 1967, rien ne semblait pouvoir résister à ces talentueux chicagoans. En tout début d'année, un premier single, Kind Of A Drag, les propulse au sommet des charts. Tandis que leur petit label essaie de capitaliser en assemblant un album, bric-à-brac de pop, soul, garage et blues, les Buckinghams sont pris en charge par le producteur-compositeur James William Guercio (récent collaborateur des anglais Chad & Jeremy). Celui-ci choisit de faire évoluer la formule gagnante de leur tube initial, à savoir un rockn'roll grand public, orné de cuivres soul, en y ajoutant juste ce qu'il faut de psychédélisme pour être à la mode. Ils signent ainsi quatre autres succès dans les mois qui suivent, et deux albums, riches en arrangements ambitieux, mais ignorés du public. Début 68, le vent tourne. Avide d'indépendance, la formation se sépare de son producteur, qui emporte avec lui ladite formule, laquelle, une fois peaufinée, fera la fortune (colossale) d'un autre groupe illinoisais, les bien nommés Chicago... 

⏭ Un grand merci à Bernard Webb, Rev Pop et Seb Buteau pour leur précieuses appréciations concernant ce groupe jusqu'alors méconnu de votre modeste serviteur...

 
  1- And Our Love (1967) : Face B du single Hey Baby (They're Playing Our Song), ce titre est un des points d'orgue du deuxième album, Time & Charge. Les cuivres, dignes d'un péplum, rivalisent avec flûtes, vibraphone et cordes, pour une efficacité maximale. La batterie n'est pas en reste... A écouter au casque !
  2- Inside Looking Out (1968) : Bien plus proche de l'orthodoxie pop baroque, cette chanson n'aurait pas dépareillé sur le deuxième album des Left Banke : accents mélodramatiques, violons expressifs, touches de clavecin et hautbois délicat.... Tout y est.
  3- Have You Noticed You're Alive ? (1968) : Sur l'album Portrait, Guercio renonce à sa mainmise sur les compositions. Manifestement soucieux de suivre la geste pepperienne, il impose toutefois  au groupe une production sophistiquée, assortie d'expérimentations sonores qui n'ont pas toujours bien vieilli. De cette tension émerge un ensemble un tantinet schizophrénique, avec de franches réussites, dont celle-ci. Cordes somptueuses.
  4- Big Business Advisor (1968) : Plus léger mais tout aussi plaisant, un titre qui fait la part belle aux bois et aux harmonies vocales soignées. Une composition du clavier Marty Grebb avec, une fois n'est pas coutume, le bassiste Nick Fortuna au chant principal.
  5- Song Of The Breeze (1968) : Pour leur ultime album, le groupe reprend complètement le pouvoir, mais le train de la hype est hélas passé pour lui... Sans être un chef d'œuvre, In One Ear & Gone Tomorrow ne démérite pas, comme en témoigne ce titre atmosphérique, orné d'arrangements ambitieux.
  BONUS - It's a Beautiful Day (For Lovin') (1969) : Dans les derniers mois de leur existence, les Buckinghams publient quelques singles isolés, comme autant de bouteilles à la mer. Victimes d'un management hasardeux, ils plient finalement boutique en 1970. Dommage, car ce formidable titre aux accents soul, où brille une fois de plus la belle voix de Dennis Tufano, avait tout pour tutoyer le sommet des charts...
⏭ Au cours des années 70, ledit Dennis Tufano et son compère Carl Giammarese publieront ensemble trois albums confidentiels. Ce dernier et Nick Fortuna, autre membre originel, tournent encore sous le nom des Buckinghams, et ont même publié de nouveaux albums studio dans les années 2000.

 

Indice Baroque = ★★★★

Compléments :
Top Baroque Albums : A partir du deuxième album, Time & Charges (1967), jusqu'au quatrième et dernier In One Ear and Gone Tomorrow (fin 1968), l'amateur de pop orchestrale aura de quoi satisfaire ses envies. Mais c'est indéniablement sur Portrait (début 1968) qu'il trouvera son bonheur, bien plus que sur les diverses compilations, plus axées sur les singles du groupe, dont l'esthétique est souvent plus proche de celle des Four Seasons de Frankie Valli que des Left Banke.